Charles Philipponnat : "Faire tout comme avant, mais mieux. Ne pas révolutionner mais être plus précis."

Si vous deviez raconter l’histoire de la Maison de Champagne Philipponnat en commençant par « Il était une fois »… Il était une fois en 1522 un beau capitaine suisse, dont le prénom évoque le printemps – Avril. Il tombe amoureux d’une jeune fille champenoise, Marie d’Ambonnay. Ils vécurent heureux et eurent une belle descendance… Je suis la 16e génération. Notre famille est toujours restée en Champagne et s’y est investie, avant même le développement des vins mousseux. Ensuite, au fil de l’histoire, au milieu du XIXe siècle, sont apparues par exemple les premières étiquettes sur les bouteilles. A cette époque, l’activité était encore familiale. En 1910, mon grand-père, Auguste, et son frère, Pierre, décidèrent de donner de l’envergure à cette activité, devenue alors une vraie Maison de champagne. Un nouvel épisode de cette histoire s’écrit avec vous désormais. Depuis les vendanges 1999 en effet. J’ai rejoint Philipponnat après quinze ans passés chez Moët & Chandon, en France et en Argentine. Mon père avait eu lui aussi une longue expérience dans cette maison, il était Chef de cave de Moët & Chandon et Dom Pérignon. Comment Philipponnat se distingue-t-elle des autres maisons de Champagne ? Interview de Charles Philipponnat, Champagnes Philipponnat Son identité forte, son ancrage local et historique, se déclinent autour de vignes de pinot noir en quasi-totalité, sur des coteaux exposés vers le sud, donc plus chauds que la moyenne de la région, sur des sols en craie. Tous ces éléments concourent à créer des vins caractérisés par une grande intensité aromatique, une pureté, une vinosité. Comment cette identité s’affirme-t-elle avec vous à la tête de la maison Philipponnat ? J’essaie de tout faire comme avant, mais mieux. Ne pas révolutionner mais être plus précis. Nous avons modifié des choses aussi bien dans la viticulture que dans la vinification. Dans la viticulture tout d’abord : des vignes ont été renouvelées, on a replanté en pinot noir en sélections massales, cherchées spécialement en Bourgogne pour leur intensité, leur caractère. Nous pratiquons une démarche ultra-raisonnée : nous ne sommes pas certifiés bio mais à deux doigts de l’être dans la réalité, pour avoir les meilleurs raisins possibles. Par exemple, le désherbage est mécanique, se réalise en sarclant, labourant légèrement. Pour notre Champagne Philipponnat Clos des Goisses, très pentu, il se fait même à la main. Faire tout comme avant mais mieux, cette fois dans la vinification, les assemblages : comment cela se traduit-il ? Nous n’utilisons pas une goutte de taille, de seconde presse. Pour nos millésimés, seuls sont sélectionnés des raisins de premier et grand cru. Nous avons également accru la part de pinot noir dans les assemblages. Le pinot meunier a été quasiment abandonné pour typer encore plus spécialement nos cuvées. Pour rentrer dans d’autres détails, un chais fut aussi construit : la moitié des vins pour les millésimés sont vinifiés sous bois, comme l’est la conservation de nos vins de réserve. La maîtrise des méthodes traditionnelles passe également par l’association de vins sans fermentation malolactique et d’autres avec, ce qui permet de gérer l’acidité de manière naturelle. Interview de Charles Philipponnat, Champagnes Philipponnat La gamme de la Maison Philipponnat est décomposée en grands thèmes* : le Temps, le Caractère, l’Héritage et enfin L’Absolu. Pourriez-vous nous parler de quelques-unes de ces cuvées ? La Cuvée Royale Réserve non dosée illustre une évolution importante des quinze dernières années : l’abaissement du dosage. Le marché traduit cette tendance, avec une demande de vins de plus en plus secs. Quand les vins sont bons, ils n’ont pas besoin d’être maquillés, leur présence active et fraîche suffit. A mesure que le champagne fut dégusté de plus en plus à l’apéritif, il a dû devenir meilleur, plus pur, plus rond. Notre cuvée non dosée existe depuis cinq ans et est un succès : elle représente 20% des ventes de non millésimés. Et puis bien sûr, au sommet de notre gamme, culmine le Clos des Goisses : 5.5 hectares ceints de murs, vinifiés à part, sans assemblage extérieur. 45 degrés de pente, exposition plein sud, sur un sol érodé, en craie pure : toutes les caractéristiques de notre identité que j’évoquais sont ici poussées à l’extrême. Le Clos des Goisses est riche, intense, un vin à savourer à table, qui promet une très grande longévité, sur plusieurs dizaines d’années. Les crus des années 1950 gardent encore une grande fraîcheur par exemple. Interview de Charles Philipponnat, Champagnes Philipponat Comment se conjuguent Clos des Goisses et gastronomie ? De manière différente selon les millésimes, mais il s’affranchit toujours de la classique association avec des fruits de la mer. Avec le Clos, on peut aller sur des viandes à l’étouffée, même un peu rosées comme l’agneau, le veau ; et braisées également. Avec des fonds un peu réduits, c’est savoureux. Imaginez même le millésime 1992 avec une viande de bœuf à peine à point ! J’apprécie également l’affinité avec les champignons, tels que les morilles et trompettes de la mort, les truffes. Il se marie parfaitement aussi avec des fromages de vache au lait cru et croûtes lavées, comme le Maroilles et le Munster. Des associations étonnantes ! Derrière le glamour et l’effervescence du champagne, il faut qu’il y ait un vrai vin. Lorsque c’est le cas, les associations peuvent être fortes. Interview de Charles Philipponnat, Champagnes Philipponnat Comment et quand aimez-vous déguster le champagne ? Matin, midi, soir et la nuit (rires). Plus sérieusement, la structure acide du champagne, sa légèreté et sa qualité aromatique permettent de le déguster à tout moment, même sans soif et sans faim. Avec nos différents vins, il y en aura toujours un pour accompagner un instant : le Philipponnat Grand Blanc pour un apéritif léger, le Clos des Goisses lors d’un beau repas, et pour la nuit un Philipponnat Royale Rosé avec sa présence tannique. Pour une soirée en tête à tête, que conseilleriez-vous ? Un rosé justement, pour sa couleur de l’amour. Et parmi les rosés, la Cuvée 1522. Elle est vineuse, pleine de fruits, ambitieuse, avec de l’acidité et des tannins. Le millésime actuel, de 2006, est parfait, avec sa tendresse particulière. Pourriez-vous partager avec nous un souvenir marquant autour du champagne ? Il y en a tant… Chaque dégustation amène de beaux souvenirs. Avant même les dégustations : ce qui a déterminé ma vocation, c’est d’avoir accompagné mon père, lorsque j’étais enfant, au milieu des fûts et cuves. Ces moments ont fait naître l’étincelle. Quant à un souvenir particulièrement marquant, j’évoquerais par exemple la découverte il y a quelques années d’une bouteille de 1911. Un après-midi, je l’ai ouverte avec Michel Dovaz, célèbre expert suisse. Le vin n’était plus mousseux, il était ambré, avec d’extraordinaires arômes de miel et pamplemousse. Magnifique. Pour conclure : que réserve la maison Philipponnat en 2014 ? Notre Réserve millésimée devient 100% pinot noir, et deux cuvées parcellaires 100% pinot noir également seront commercialisées, pour illustrer notre savoir-faire. Et d’ici quelques semaines, sera dévoilée une refonte très importante de nos habillages. Après s’être penchés sur le contenu de nos cuvées pendant quinze ans, nous souhaitions faire évoluer son contenant : que celui-ci raconte l’histoire qui lui corresponde. Par exemple, Royale Réserve va se parer d’une étiquette épurée avec des lettres majuscules noires. Nous devenons une « marque majuscule ». Propos recueillis par la Rédaction Champmarket Retrouvez la Maison de champagne Philipponnat sur Champmarket *Les gammes de champagne de la Maison Philipponnat : – Le Temps : avec les cuvées Royale Réserve brut, non dosé, et rosé, – Le Caractère : Réserve millésimée, Grand Blanc, et Sublime Réserve, – L’Héritage : avec la Cuvée 1522,  et Cuvée 1522 rosé, – L’Absolu : autour du Clos des Goisses, et Clos des Goisses juste rosé.]]>